mardi 7 juillet 2009

160 - POSADAS- San Ignacio- Uruguay - POSADAS

 160 - POSADAS- San Ignacio- Uruguay - POSADAS



San Ignacio, fierté de la provinzia de Misiones.

Cet appendice argentin, coincé entre le Brésil et le Paraguay, se noie en un festival d'écume dans la gorge monstrueuse du diable d'Iguaçu.

On peut y observer aujourd'hui les ruines admirablement conservées d'une importante mission jésuite, témoignage emblématique de l'implantation historique des Compagnons de Jésus dans ce nœud géographique triangulaire dont les côtés ont pour nom Brésil, Argentine et Paraguay.

L'arrivée des jésuites dans cette région est une tragique aventure humaine qu'il me plaît de rappeler :

1609 : Les Jésuites fondent leur première mission au Brésil pour convertir au catholicisme les Indiens guaranis. Cet asservissement critiquable permit aux indiens convertis de développer leurs dons naturels pour diverses formes d'art. Quant à leur religion...

1627-1632 : Les chasseurs d'esclaves de São Paulo, des méchants portugais, chassent les guaranis. Ils attaquent les missions qui sont obligées de fuir. Ignoble…

1632 :12000 guaranis menés par les prêtres Jésuites prennent la fuite sur leurs pirogues et descendent le cours du Rio Parana. Bloqués par les chutes de Guaira, ils contournent l'obstacle en se taillant pendant huit jours un chemin dans une forêt vierge et dense. Les chutes contournées, ils construisent de nouvelles pirogues et continuent la descente du Rio. Ils s'arrêtent enfin au sud du Brésil dans la région de San Ignacio et fondent de nouvelles missions.

1731 : La mission de San Ignacio compte 4 356 personnes. Les trente missions jésuites, plus de 100 000.

1767 : Les Jésuites qui échappaient au contrôle de la couronne d'Espagne sont expulsés des territoires contrôlés par le roi Charles III. Les indiens guaranis quittent peu à peu les missions.

1784 : Il ne reste que 176 Indiens Guaranis à San Ignacio. 

1810 : Il ne reste plus un seul indien guarani à San Ignacio

1817 : Sur ordre du dictateur paraguayen Francia, la mission de San Ignacio Mini est brûlée.

1897 : La mission, perdue dans la jungle, est redécouverte.

1943 : La mission, ses ruines, sont défrichées et remises en état.

Aujourd'hui, Marie Hélène et Bernard, nos deux héros, visitent ce lieu chargé d'une lourde et brillante histoire. Mais voilà qu'une légion de nimbus enrôlée par un Auguste dépressif envoie dinguer le soleil aux confins du monde.

Les entrailles aux tons brique de ces ruines magnifiques n'aspirent pourtant qu'à rendre la lumière dont elles ont hérité. Étouffées par une jungle envahissante, certaines ruines se résignent à mourir. Les racines des arbres s'enroulent alors avec amour autour de ces grosses pierres de sable pour embrasser l'histoire. Témoignage épuré et touchant. Marie Hélène veut toucher ces arbres au cœur de pierre qui pleurent la lâcheté des hommes et chantent l'éternité de la nature. Nous n'y entendons goutte à la légendaire casuistique des copains d'Ignace, mais l'harmonie de leurs édifices effondrés nous séduit. Notre aspiration à fuir toute forme de concentration touristique est aujourd'hui comblée. Nous déambulons seuls dans une atmosphère qui grouille des cris d'une multitude oubliée. On y perçoit la vie, l'odeur des cuisines, le torse ambré des guaranitos qui courent de viviendas en viviendas, l'écho jungle beat de vieux chants cathos qu'une presque basilique expire de vieux murs réduits à rien, l'incontournable présence de sommes théologiques dont les enluminures font la fierté des Compagnons, la soumission des insoumis dans leur prison carrée, et surtout le message de ces cœurs de pierre tri-centenaires qui réchauffent les nôtres, comme si de toute ruine naissait une autre vie, plus forte, plus riche, grandie sur l'humus des décadences. 

Aujourd'hui, 9 avril, spectateurs des ruines du passé, nous posons un regard particulier sur le nôtre. Force nous est de constater que, de Santiago à San Ignacio, nous voyageons déjà depuis trois mois ! Notre cerveau, par des millions de capteurs sensitifs récolte chaque jour moult ingrédients et épices pour composer peu à peu une recette de grand-mère qui mijote, qui mijote, et qui fleure bon la tradition.

Ce cuisinier rustique malaxe sa fine bouillabaisse en un brouet complexe qui exhale les saveurs de nos plus fines émotions. Ce bouquet enivrant bouleverse nos horloges internes. Depuis un mois, le sablier abandonne sa moderne verticalité, s'incline peu à peu, et les jours s'égrainent au rythme nonchalant de l'agréable ennui, l'ennui positif, celui que l'on recherche tant dans nos vies bousculées. 

Nous naviguons sur des mers idéales, à mille lieues des vents turbulents de notre vie d'antan, à mille lieues des mondes inconnus de notre vie future. Nous sommes sans passé, sans souci d'avenir, dans le présent. Nous errons sans but, car en avouer un serait par trop prétentieux. 

Mais, à la fin de notre voyage, au travers de cette errance particulière, diverses prises de conscience voient le jour dans nos cervelles oxygénées. 

Tiens donc !




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